ILLUSTRATION COMPARÉE DES MANIPULATIONS CONSTITUTIONNELLES PAR LE GÉNÉRAL DE GAULLE EN 1962 ET PAR LE PRÉSIDENT GUINÉEN ALPHA CONDÉ EN 2020.

11 mars 2020 - ILLUSTRATION COMPARÉE DES MANIPULATIONS CONSTITUTIONNELLES PAR LE GÉNÉRAL DE GAULLE EN 1962 ET PAR LE PRÉSIDENT GUINÉEN ALPHA CONDÉ EN 2020.
mars 11th, 2020 | par Leguepard.net

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ILLUSTRATION COMPARÉE DES MANIPULATIONS CONSTITUTIONNELLES PAR LE GÉNÉRAL DE GAULLE EN 1962 ET PAR LE PRÉSIDENT GUINÉEN ALPHA CONDÉ EN 2020.
ILLUSTRATION COMPARÉE DES MANIPULATIONS CONSTITUTIONNELLES PAR LE GÉNÉRAL DE GAULLE EN 1962 ET PAR LE PRÉSIDENT GUINÉEN ALPHA CONDÉ EN 2020.
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Cet article s’adresse essentiellement à ceux qui continuent de défendre le projet de nouvelle constitution du président Alpha Condé en prenant le cas du Général De Gaulle comme exemple. Pourtant, dans son arrêt du 30 octobre 1998, le conseil d’État français avait condamné l’usage du référendum législatif à la place du référendum constitutionnel (CE : Arrêt Sarran Levacher 30 octobre 1998).
« Oui, pour adopter sa nouvelle Constitution et prolonger son mandat, le Président Alpha CONDÉ fait une interprétation « abusive et inconstitutionnelle » de l’article 51 de la Constitution guinéenne ceci dans un scénario identique à l’interprétation souple (non de l’article 89 mais) de l’article 11 de la Constitution française par le Général De Gaulle en 1962 ».
Après avoir constaté l’intangibilité de la disposition constitutionnelle relative au mandat présidentiel, le chef de l’exécutif guinéen s’est arrogé le pouvoir illégal d’interpréter l’article 51 de la Constitution à des fins pour lesquelles il n’est pas prévu.
Ce faisant, il a voulu rééditer l’exploit du Général de Gaulle qui, en 1962, avait fait une utilisation souple mais très contestée de l’article 11 de la Constitution pour reformer le mode d’élection du Président de la République, au lieu d’utiliser légalement l’article 89 de la Constitution.
Le Président de la République française était persuadé à l’époque que son projet de révision n’avait aucune chance d’aboutir s’il avait observé la procédure normale, c’est-à-dire le recours à l’article 89, du fait de l’exigence d’une majorité qualifiée notamment.
La Constitution est l’ensemble des dispositions qui organisent le fonctionnement normal des institutions politiques, c’est elle qui prévoit comment les dirigeants des organes politiques sont désignés.
Elle prévoit surtout le domaine de compétence de chaque institution politique.
Elle est le garant de l’effectivité d’un état de droit dans un système de démocratie, si bien que sa manipulation illégale ne doit pas être tolérée.
La question qui se pose est de savoir si le recours à l’article 51 de la Constitution par le chef de l’exécutif guinéen en 2020, en vue de proposer au peuple de Guinée l’adoption d’une nouvelle Constitution est identique à la technique utilisée par le Général de Gaulle en 1962 pour obtenir la révision de la Constitution française, reformant ainsi le mode d’élection du Président de la république.
La réponse à cette question nous oblige à déterminer d’abord si une disposition constitutionnelle fonde la compétence du Président Alpha Condé de proposer l’adoption ou la révision d’une nouvelle Constitution, avant de démontrer le caractère parallèle des techniques du coup d’état constitutionnel effectué par les deux chefs de l’exécutif guinéen et français.
L’incompétence du chef de l’exécutif guinéen à proposer l’adoption d’une nouvelle Constitution par referendum.
Le respect par les institutions politiques des règles de compétence est la preuve de l’existence d’un état de droit dans un pays qui se veut démocratique.
Avant de prendre un acte, une autorité administrative ou une institution politique doit chercher le fondement juridique de sa compétence, si bien que l’incompétence pourrait être sanctionnée par la nullité de l’acte.
Pour démontrer l’incompétence du chef de l’exécutif en l’espèce, nous allons essayer de fonder notre raisonnement sur la disposition litigieuse, à savoir l’article 51, et donner in fine une réponse positive.
L’article 51 alinéa 1er de la Constitution guinéenne de 2010 dispose que « Le président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’assemblée nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la promotion et la protection des libertés et des droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’État, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité ».
En premier lieu, il est important de souligner une nuance, l’article 51 est inséré dans la partie consacrée au pouvoir du Président de la République. Cette précision du constituant nous enseigne que ce dernier a opéré une répartition des domaines de compétence de chaque disposition constitutionnelle.
La volonté du constituant est d’éviter qu’une disposition de la Constitution empiète sur le domaine de compétence d’une autre disposition.
En second lieu, il convient de remarquer que le constituant a consacré une partie entière à la révision constitutionnelle, sous le titre XVIII intitulé « DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ».
La lecture attentive de l’alinéa 1er de l’article 51 permet de comprendre deux nuances importantes, à savoir : le terme utilisé, mais également le domaine du référendum législatif prévu par cette disposition.
UTILISATION DU TERME « TOUT PROJET DE LOI »
Il convient de se poser la question de savoir si le terme « tout projet de loi » désigne également les lois constitutionnelles. En d’autres termes, est-il possible de procéder à une définition extensive du terme « tout projet de loi » ?
La réponse à notre sens est négative, dans la mesure où la loi désigne l’ensemble des textes d’origine gouvernementale ou législative votés par le Parlement.
Ainsi, lorsque le texte de loi émane de l’exécutif, on emploie le terme projet de loi ; les textes préparés par les députés sont appelés propositions de loi.
Quant à la Constitution, elle est définie comme « l’ensemble des règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs et souvent lui imposant des limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets et aux citoyens » – cf. vocabulaire juridique Gérard Cornu.
Le mode d’adoption de la Constitution justifie qu’elle ne doit pas être inclue dans le terme « tout projet de loi ».
La Constitution est une loi fondamentale dont les causes d’adoption sont en principe limitativement énumérées.
Parmi les causes d’adoption de la Constitution, nous pouvons citer la disparition de la quasi-totalité des institutions d’un État par un coup d’état militaire, l’accession d’un État à l’indépendance, la création d’un nouvel État, un consensus qui se matérialise par la volonté de tous les organes représentatifs de doter un pays d’une nouvelle Constitution…
A travers cette analyse des termes utilisés par le constituant, nous comprenons que ce dernier a pris soin d’utiliser des termes appropriés pour éviter toute interprétation illégale.
Quel est le domaine d’application du terme « tout projet de loi » ?
Par utilisation du terme « tout projet de loi », le constituant a voulu cantonner le pouvoir règlementaire dans un domaine bien précis, lorsque ce dernier souhaite déclencher le référendum législatif.
A l’évidence, il s’agit exclusivement du référendum législatif. Le référendum législatif visé par le constituant ne peut porter à notre sens ni sur la révision constitutionnelle, encore moins sur l’adoption d’une nouvelle Constitution.
Après avoir précisé le texte normatif qui peut faire l’objet du référendum législatif, le constituant de 2010 a pris soin de préciser le domaine d’application de celui-ci.
A notre sens, le référendum législatif ne peut porter que sur les domaines bien déterminés par le constituant de 2010, à savoir notamment l’organisation des pouvoirs publics.
Le terme « pouvoirs publics » utilisé dans l’article 51 de la Constitution désigne le Gouvernement et le Parlement…
Il ne s’agit pas en l’espèce de pouvoirs publics constitutionnels.
Si le constituant voulait inclure les pouvoirs publics constitutionnels dans l’article 51, il aurait pu utiliser le qualificatif « pouvoir publics constitutionnels ».
Le seul pouvoir que le Président de la République tire de l’article 51 est de veiller au bon fonctionnement des pouvoirs publics.
Cette analyse est logique, d’autant plus que le Président de la République est le garant du bon fonctionnement des institutions.
En tant que garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics, il peut par exemple, sur le fondement de l’article 51, arbitrer un conflit qui surgirait entre le Gouvernement et le Parlement, et dont les conséquences pourraient entrainer le dysfonctionnement des pouvoirs publics.
Le dysfonctionnement des pouvoirs publics trouve sa raison d’être, le plus souvent, sur un projet de loi à discuter ou en discussion, et dont le vote ou le rejet s’avère crucial pour le bon fonctionnement des institutions.
Dans cette hypothèse, le Président de la République peut demander au peuple d’arbitrer à travers le référendum.
L’adoption de la loi par voie référendaire mettrait fin à la cause du mauvais fonctionnement des pouvoirs publics.
Le Président français, par exemple, serait compétent (sur le fondement de l’article 11 de la Constitution française) pour soumettre directement au peule, par voie référendaire, l’adoption du projet de loi sur la réforme des retraites, s’il estimait qu’il y avait un conflit insurmontable au Parlement sur l’adoption de sa réforme.
Il nous revient à présent d’identifier une disposition, dans la Constitution de 2010, qui fonderait la compétence du Président de la République (ou le peuple) à initier ou adopter une nouvelle Constitution.
Les seules dispositions dans la Constitution de 2010 (qui se trouvent par ailleurs regroupées dans la partie intitulée « De la révision de la Constitution »), concernent exclusivement la révision et non l’adoption d’une nouvelle Constitution. Il s’agit des articles 152, 153, et 154.
La lecture attentive de ces articles nous enseigne que la seule compétence reconnue au Président de la République est la compétence très encadrée de la révision de la Constitution prévue notamment dans l’article 152 de la Constitution.
Pour les partisans de la souveraineté du peuple, nous leur répondons sereinement que l’exerce des attributs de la souveraineté confié aux représentants du peuple n’est pas sans limite. Ils doivent l’exercer sur le fondement de la Constitution, si bien que le peuple a volontairement limité son propre exercice des attributs de sa souveraineté par les dispositions de l’article 2 de la constitution.
En l’espèce, aux vues de ces démonstrations fondées exclusivement sur la Constitution de 2010 en vigueur en Guinée, nous ne pouvons que constater l’incompétence du Président de la République, mais également celle du peuple de Guinée, à initier et tout autant à adopter une nouvelle Constitution.
Le Président de la République de Guinée a-t-il fait une interprétation extensive de l’article 51, comme l’avait fait en son temps de l’article 11 de la Constitution un certain Général De Gaulle en 1962 ?
UNE INTERPRÉTATION EXTENSIVE DE L’ARTICLE 51 IDENTIQUE A CELLE EFFECTUÉE PAR LE GENERAL DE GAULLE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONSTITUTION FRANÇAISE
Il nous est paru nécessaire de publier cet article afin d’éclairer ceux qui estiment, semble-t-il par « erreur », qu’il était impossible de faire le parallèle entre l’utilisation souple de l’article 11 de la Constitution française en 1962 par le chef de l’exécutif français de l’époque et la manipulation de l’article 51 à des fins personnelles par le chef de l’exécutif actuel de la Guinée.
Nous estimons que l’article 51 est le pendant de l’article 11 de la Constitution française. Si bien que nous invitons tous ceux qui se poseraient la question de la pertinence de la comparaison, à prendre connaissance des dispositions de l’article 11 de la Constitution française et de l’article 51 de notre Constitution pour se rendre compte que la seule différence entre ces deux dispositions se situe au niveau des chiffres.
Par ailleurs, faut-il rappeler que l’article 11 de la Constitution française avait été utilisé en violation de la Constitution française. La procédure normale de révision était prévue exclusivement dans l’article 89 et non dans l’article 11.
Le mobile du recours à cet article est le même qui a justifié le recours à l’article 51 de la Constitution par le pouvoir guinéen à savoir : éviter l’obstacle de la majorité qualifiée au Parlement (France), éviter les clauses d’intangibilité relatives au mandat présidentiel (Guinée) en cas de révision stricto sens.
Le recours à l’article 11 en France avait été dénoncé par la quasi-totalité de la doctrine.
Les juristes avaient estimé que l’exécutif avait commis un coup d’état institutionnel en interprétant illégalement l’article 11 de la Constitution.
Le Conseil Constitutionnel a certes refusé de contrôler à l’époque la constitutionnalité d’une loi référendaire lorsqu’il avait été saisi ; en revanche, il avait jugé inconstitutionnelle la procédure de révision dans un avis qui est resté confidentiel. A l’époque, les avis n’étaient pas publics.
Bien que son avis n’eût été contraignant, le Conseil d’État avait également jugé la démarche illégale, lorsqu’il avait été saisi pour avis à la même occasion.
(Sur ce point lire : « Michel Lascombe et Gilles Toulemonde : Le droit constitutionnel de le Ve République, treizième édition, page 392).
(Lire également sur le même point : Le référendum expression directe de la souveraineté du peuple ? Prix spécial du jury de thèse du sénat 2011 page 389 à 391 édition Dalloz).
Le Conseil d’État a tout récemment disqualifié juridiquement la révision de la Constitution sur le fondement de l’article 11. Le juge administratif fait une distinction dorénavant entre deux usages du référendum.
Le premier usage concerne le référendum constitutionnel prévu à l’article 89 de la Constitution française ; et le second usage est exclusivement de matière législative, conforment à l’article 11 de la Constitution (CE : Arrêt Sarran Levacher 30 octobre 1998).
En l’espèce nous pouvons admettre que l’interprétation inconstitutionnelle de l’article 51 de la Constitution par le Président guinéen, est une reproduction à l’identique de la technique du coup d’État constitutionnel imaginé par le chef de l’exécutif français en 1962.
La différence qu’il convient de relever est que le Général De gaulle voulait renforcer les institutions françaises par l’instauration du suffrage universel, bien que la procédure utilisée fût inconstitutionnelle, la stabilité de l’exécutif était assurée par le fait majoritaire.
En revanche en Guinée, subtilement, l’effet serait inverse : satisfaire la volonté d’un seul individu au détriment de la collectivité.
 
 
Mohamed Lamine Kalifa Diaby, diplômé de droit des Affaires.
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Par DMN Diallo

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